Education par les livres


Je n’ai jamais été précoce, la seule de la classe sans poitrine, la gourde qui commence à s’intéresser aux garçons à 19 ans c’était moi.

Sur un point j’ai été en avance, les livres. Comme tout le monde à la fin du 1er trimestre de CP je savais lire, et j’ai vite compris que les livres étaient un moyen de contourner les interdits parentaux.


Me voila à 6 ans, à fouiller dans la bibliothèque et avec un petit escabeau attraper les vieux exemplaires de Fluide Glacial, évidemment je ne comprends rien, sauf que mon père me les enlève des mains, consternation « mais si Papa c’est de mon âge il y a des dessins ! »

Il aurait du me laisser mon père… quelque jours plus tard , je refouillais et je les trouvais dans leur nouvelle cachette, je comprenais toujours rien mais je me trouvais très maligne !

Ca y est j’avais trouvé comment contourner les interdits sans me faire remarquer.



Plus tard, mes parents m’envoient me coucher alors qu’ils regardent un film à la télé, 37°2 le matin, je suis vexée. Je cours à la bibliothèque, je trouve le bouquin, je le lis. Ouais bof, j’ai 8 ans.



11 ans mes parents vont au cinéma, « les nuits fauves » ma sœur a le droit d’y aller et pas moi. Evidemment je vais chercher le bouquin, je le lis, je ne comprends pas pourquoi on m’a interdit le ciné ce soir la ! Franchement homosexualité, bisexualité, violence , sida….rien de nouveau dans la littérature.



12 ans, je n’ai pas le droit d’aller dans la section adulte de la bibliothèque de la ville.

Evidemment je suis fâchée, l’école des loisirs c’est bon j’ai fait le tour, je reviens à la bibliothèque avec mon père, et toc je l’obtiens le droit d’aller chez les adultes.



13 ans, je demande à la bibliothécaire « mein kampf », « zêtes sures vous l’avez pas dans la réserve toute poussiéreuse ? » c’est pareil, moi j’ai jamais aimé qu’on m’interdise quelque chose. Evidemment elle l’a pas.

M’en fous je le trouverai bien plus tard à la bibliothèque de la fac, jamais interdire un truc à une adolescente.



Ma chambre ressemble donc déjà à une chambre de vieille, mes placards deviennent des rayonnages, comme la maison est grande je passe mes mercredis à fouiller partout.

Je trouve des trésors, un vieux Gaffiot ou ma grand mère a dessiné sur toutes les pages liminaires, des noms de personnes inconnus sur des bouquins de poches, des dédicaces d’ados des années 70 sur des Boris Vian et Kerouac….(ah la jeunesse post 68 parentale ! )



20 ans, un stage en imprimerie, j’ai vite repéré que les livres étaient jetés à la poubelle une semaine après la livraison chez le client. Je demande timidement si je peux prendre un truc dans la poubelle, on me dit oui, pas besoin de me le dire 2 fois, je remplis le coffre de la voiture chaque soir.

Je me marre, l’imprimerie imprime de ces trucs « charme en enchantements » « guide de la magie blanche » « manger macrobiotique », j’en inonde mes copains.



25 ans, mes parents ouvrent des chambres d’hôtes, je suis chargée de faire tout ebay pour trouver des Tintins en Anglais et Allemand pour les touristes.

Je m’amuse, dans chaque chambre je mets une bonne douzaine de bouquins, une seule règle pour le choix : pas de règle, je veux que les clients se demandent « que fous Zola avec un livre bilingue franco espagnol ? Pourquoi un guide du routard Thaïlande avec un album sur Colette ? »

J’aime bien également regarder ce que les clients ont emprunté dans l’énorme bibliothèque a leur disposition, le lexique québécois et le livre d’art sur la lingerie au fil des siècles ont beaucoup de succès….je me fais mes stats à moi.



Le plus touchant je crois c’est la fois ou j’ai trouvé une petite fille en tailleur devant la bibliothèque. Une petite brune aux cheveux courts, 8 ans à tout casser, plongé dans un Martine. Elle était la tranquille, toute heureuse d’avoir la paix, ses parents devaient être ravis, un lit king size dans une chambre à la campagne qui ferme a clefs….

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Excellent Alice !
Toujours ce ton acide/sucré à la Amelie Nothomb. Non, non, je ne compare pas, ce serait à son désavantage. :)
Faut-il te parler des generateurs de Martine, juste pour te dire que ta génération ne respecte rien ?

http://clement.blogs.com/.shared/image.html?/photos/uncategorized/2007/10/28/martinemeurt.jpg

Expérience hélas interrompue par le procès de l'éditeur.

Anonyme a dit…

Vraiment touchant...
J'ai de l'affection pour les livres et ceux qui les aiment..j'en ai un qui va beaucoup te plaire!!!

Anonyme a dit…

je garde toujours mon air malicieux quand j'achète mon Fluide Glacial.

Enfants nous sommes tous attirés par l'interdit, et quand cet interdit se matérialise dans un livre, ah quel bonheur.

Je me souviens avoir été très marqué par un personnage et avoir verser des larmes parce qu'un nénufar avait poussé dans son poumon allait lui être fatal.

Et depuis je me suis promis que si j'ai la chance d'avoir une fille, elle s'appellera Chloé .....

Super ton blog Alice :)

Anonyme a dit…

Article trés sympa, dans un sens ça explique tout, je me disais bien que tu devais être une férue de littérature pour écrire aussi bien. :)

Pour ma part, j'ai eu la chance d'avoir des parents qui ne m'interdisaient aucun bouquin, et possédait une bibliothèque bien remplie.

Amicalement, sid.